Pendant ce partenariat d'un an avec le festival Allers-retours, marqué par un confinement national, l'AJCF est intervenue lors de projections en ligne de plusieurs films d'auteur chinois.
En ouvrant le bal avec le long-métrage A Dog Barking at the Moon de Xiang Zi, nous avons pu malgré les conditions particulières du visionnage attirer une centaine de personnes à notre échange avec la réalisatrice.
Ce film raconte des choses qui ne sauraient être dites : la tension entre une mère chinoise et sa fille, un mariage ruiné par une homosexualité réprimée...tout ça sur un décor paré de mobiliers ornés qui ne sauraient rattraper l'amertume de nos personnages.
Ici, le débat avec les spectateurs était donc orienté autour du malaise intergénérationnel qui est exprimé à travers le film, notion-clé de nos précédents débats au sein de l'association. Le choc naissant d'une mutation des valeurs, qu'elle soit induite par des flux migratoires, ou par le temps qui s'écoule, devient une trame à travers laquelle le film se suspend.
Par la suite, les deux documentaires "Sol-Fleur" de Zhou Zhenyu et "Raw stories of immigrants : Mr. Hu" de Liu Yi Louis, eux, prônent une approche plus dépouillée. La caméra s'attarde longuement sur des personnages solitaires, une femme et une homme, tous deux isolés de la Chine suite à leurs émigrations.
Après ces deux projections dématérialisées de début 2021, le festival s'annonce enfin en présentiel : pour sa 4ème édition du 17 septembre au 1er octobre, il a lieu au Musée Guimet et au studio des Ursulines.
La soirée d'ouverture est marquée par la projection du film Striding into the Wind de Wei Shujun, un long-métrage pile dans le thème festivalier, quoique sous une lentille absurde : on suit les existences effilochées de deux étudiants en cinéma. Les personnages principaux, deux jeunes hommes apathiques, s'achètent une tout-terrain en ruines qui les mène finalement à leur perte.
Le vrai coup de cœur de l'AJCF, lui, réside dans l'ensemble des trois courts-métrages Tales of Chinatown de Luka Yuanyuan, qui met en lumière la diaspora chinoise aux États-Unis, à travers trois femmes différentes. Dans ce court-métrage, une guide nous en apprend sur la vie nocturne de la communauté chinoise à travers l'histoire de San Francisco.
Dans Coby and Stephen are in love co-réalisé avec Carlo Nacisse, un sublime portrait de feu la célèbre danseuse burlesque Coby Yee et de son amant Stephen King, réalisateur expérimental, nous est présenté dans un bel entremêlement entre des performances du passé et des instants du présent. Enfin, dans "The Lady of Shanghai", le portrait cinématographique s'attarde sur rien de moins qu'une ancienne mannequin de jambes, qui raconte son histoire de cœur avec un Shanghaïen rencontré en ligne, tout cela dans un mélange d'anglais et de chinois.
Notre intervention vis-à-vis de ce festival a permis à l'association de se présenter à un public élargi, et d'orienter les débats que nous animions vers la question de l'ambivalence identitaire, dans les populations chinoises immigrées en Occident. À travers ces échanges entre réalisateurs, audience et nous-même, il a semblé possible et bienvenu, à la fois face à ceux concernés, mais aussi face à un public externe peu sensibilisé, d'ouvrir le débat sur cette large question, parfois épineuse, et de la démocratiser.