Diaspora

Les étudiants chinois en France

Jun 29, 2024
AJCF

En parallèle de l’immigration en France des travailleurs et volontaires chinois qui étaient venus durant la Première Guerre mondiale pour l’effort de guerre des Alliés, un mouvement d’émigration des travailleurs et étudiants de République de Chine vers la France, avait eu lieu entre 1912 et 1927. Imaginé par Li Shizeng, membre du parti nationaliste chinois, ce mouvement avait pour but de ramener en Chine le modernisme occidental à travers le savoir-faire et les études des Chinois installés en France. C’est d’ailleurs grâce à ce mouvement que certains étudiants et travailleurs ont rapporté en Chine l’idéologie communiste et qu’ils font partie des fondateurs de la République Populaire de Chine.

Mais durant la fondation de ce nouvel État et la Révolution Culturelle d’inspiration maoïste, la Chine s’est refermée sur elle-même et très peu d’étudiants sortaient du territoire. Il a fallu attendre la fin de la gouvernance de Mao Zedong et l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, ancien du mouvement travail-études qui avait travaillé à Montargis, que la Chine s’est ouverte de nouveau sur l’extérieur et que les jeunes Chinois ont pu partir à l’étranger étudier dès la fin des années 1970.

De quelles régions de Chine viennent ces étudiants, et quelles sont leurs destinations en France ? 

Après les grandes migrations chinoises, dont celle des réfugiés d’Indochine après la Guerre du Vietnam, les étudiants représentent désormais l’une des principales sources d’arrivée de personnes chinoises en France depuis les années 2010. L’immigration constituée par les étudiants chinois présente la particularité de ne pas avoir une origine délimitée par une zone géographique précise. Les étudiants viennent néanmoins globalement des grandes métropoles chinoises.

La destination de ces étudiants est également assez diverse sur le sol français, mais logiquement, on va les retrouver dans les grands pôles universitaires, surtout en Île de France, mais ils sont également très présents en Auvergne Rhône-Alpes, en Occitanie et dans le Grand Est.

Distribution du nombre d’étudiants étrangers dans les différentes régions en 2020, les étudiants chinois respectent également plus ou moins cette distribution. (https://m.ieduchina.com/abroad/france/202105/69356.html

Quel a été le processus de migration des étudiants chinois hors de leur pays, et plus particulièrement en France ?

Il faut distinguer deux étapes différentes dans la venue des étudiants chinois en France, chacune de ces étapes ont des motivations et des causes différentes.

La première étape a commencé dès l’ouverture de la Chine à partir de 1978, notamment avec le discours de Deng Xiaoping qui encourage les étudiants à aller à l’étranger pour apprendre des universités étrangères et rattraper le retard technique de la Chine à cette époque, car selon lui, la Chine est pauvre car elle manque de connaissances techniques.

Les premiers étudiants sont donc envoyés à l’étranger à la fin de l’année 1978 (aux Etats-Unis). Il s’agit d’étudiants sélectionnés pour leur aptitude académique mais aussi leur attachement à la Chine, car l’État chinois attendait de ces personnes qu’ils reviennent au pays. Ces étudiants avaient pour la très grande majorité des bourses d’études financées par le gouvernement chinois.

Plusieurs raisons expliquent cette migration étudiante :

  • Depuis la fin des années 1970, la Chine a ouvert ses frontières et l’éducation dans le pays s’est modernisée et démocratisée. De 2000 à 2014, le nombre de diplômés des études supérieures est passé de 1,07 million à 7 millions, par exemple.
  • L’essor économique du pays permet aussi cette migration étudiante car dans la très grande majorité des cas, c’est la famille qui finance le séjour de l’étudiant à l’étranger, ce coût étant souvent très onéreux et donc représentatif des mutations sociales et économiques qui s’opèrent en Chine.
  • Dans le cas des relations franco-chinoises, il y a une politique de programme d’échanges d’étudiants qui a débuté durant les années 2000, qui encourage et facilite l’arrivée des étudiants chinois en France.

Il y a une autre raison du départ de certains étudiants chinois à l’étranger :

Les départs des jeunes Chinois pour l’étranger peuvent être liés à plusieurs motivations : un échec au concours, l’impossibilité d’intégrer un établissement suffisamment prestigieux ou une discipline de pointe (informatique, finance, biologie, etc.), ou encore l’aspiration à un salaire plus élevé, puisqu’on considère qu’un diplôme occidental à son retour confère aujourd’hui une plus grande capacité de négociation du salaire sur un marché de plus en plus concurrentiel en Chine.Bao Tana, 2020

Cela fait qu’une partie non négligeable de ces étudiants est en fait en situation d'échec dans le cursus scolaire en Chine. Par ailleurs, la France est une destination de choix car il est plus facile et moins onéreux d’aller en France que dans les pays anglo-saxons comme la Grande Bretagne, les États-Unis, le Canada ou encore l’Australie.

Selon les chiffres du gouvernement de l’année 2019/2020, on estime qu’il y a eu 29 731 étudiants chinois qui ont effectué une mobilité en France, dont 14 900 à l’université, 7 987 en école de commerce, 3 508 en école d’ingénieur et 3306 dans d’autres types d’établissement, comme les écoles d’arts et les écoles d’architecture, entre autres.

Pourquoi certains de ces étudiants choisissent de rester en France ?

Il y a plusieurs raisons qui expliquent la volonté de certains de ces étudiants chinois de rester sur le territoire français :

  • Le fait qu’il y ait trop d’étudiants chinois qui obtiennent des diplômes à l’étranger fait baisser leur valeur sur le marché de l’emploi en Chine. Aujourd’hui, avoir un diplôme étranger n’est plus une perle rare, et certains scandales entachent la réputation des diplômes des étudiants chinois, comme celui des faux diplômes de Toulon.
  • Cela est à mettre en lien avec la compétition féroce qu’il y a en Chine sur le marché du travail, au vu de l’essor de l’éducation supérieure. Plusieurs millions de jeunes diplômés chinois arrivent sur le marché du travail et se disputent des offres d’emploi qui se raréfient. Beaucoup d’étudiants chinois partis à l’étrangers ont peur du chômage s’ils retournent en Chine, c’est pour cela qu’ils préfèrent rester à l’étranger pour acquérir de l’expérience, et potentiellement retourner chez eux par la suite.

En ce qui concerne le nombre de ces étudiants chinois qui choisissent de rester en France, il est difficile d’avoir le chiffre exact. Selon certaines estimations, un tiers des étudiants chinois est resté en France entre 1999 et 2004, soit environ 11 000 personnes.

Le Ministère chinois de l’éducation nous renseigne sur le fait que de 1996 à 2010, le nombre d’étudiants chinois à l’étranger est passé de moins de 25 000 à plus de 250 000, et que ceux retournant en Chine est passé de moins de 10 000 à plus de 144 000.

En conclusion, nous pouvons voir que le nombre d’étudiants chinois venant en France ne cesse d’augmenter, cet apport de talents rentre dans la continuité du mouvement travail-études mis en place il y a plus d’un siècle pour faire évoluer les sciences et technologies en Chine, mais cela rentre également dans le développement des échanges et du partage culturels qu’il y a entre la France et la Chine. Enfin, cette immigration étudiante chinoise constitue elle aussi un apport non négligeable dans ce creuset qu’est la diaspora chinoise en France et rentre aussi dans le champ de recherche de ceux qui s’intéressent aux migrations chinoises dans l’Hexagone.

  1. Dates/données chiffrées

Vrai essor du nombre d’étudiants chinois en France à partir du début des années 2000 :

(source [1], page 17)

Année scolaire 2019/2020 (impact de la pandémie non pris en compte à priori) -> 29 731 étudiants chinois en France

  • 14 900 à l’université
  • 7 987 en école de commerce
  • 3 508 en école d’ingé
  • 3306 autres (école d’arts, architecture etc…)

Sources

Li, Y. (2019). La difficile expérience des diplômés chinois sur le marché du travail en France. De facto(13), 10-16. Retrieved from https://ens-lyon.academia.edu/YongLi

Li, Y. (2019). La confrontation des diplômés chinois au marché du travail français. Une insertion incertaine ? Connaissance de l'emploi, 145 (janvier 2019).

Li, Y. (2020). Les mobilités étudiantes : la création d’entreprises par les diplômés chinois à Rouen. In Y.-H. Chuang & A.-C. Trémon (Eds.), Mobilités et Mobilisations chinoises en France: Terra-HN-Editions.

Li, Y., & Wang, S. (2021). « Devenir adulte » en contexte migratoire. Le cas des étudiants diplômés chinois en France. Agora débats/jeunesses, 88(2), 129-144.

doi:10.3917/agora.088.0129 (full text en PJ, merci de ne pas diffuser)

LIU, Z. (2009). L'expérience des étudiants chinois à Paris : entre mobilité et intégration. (Master). Université René Descartes, Paris.

Tana BAO, Les conditions de réussite et d’adaptation des étudiants chinois en France, 2020,

Rapport annuel de Campus France sur les étudiants dans le monde, 2021

Yong LI, Condamnés à réussir. Insertion professionnelle des diplômés chinois en France, nouvelles dynamiques migratoires et identitaires (non disponible en ligne)

Thèses en préparation abordant le sujet :

Les carrières migratoires des étudiants chinois à Poitiers, par Guangling Huang, thèse en sociologie, sous la direction de Henri Eckert, en préparation à l’Université de Poitiers

Le recrutement des étudiants chinois formés à l'étranger : enjeux et perspectives, par Xiaoguang Xiang, sous la direction de Richard Soparnot, thèse en science de gestion, en préparation à l’Université Clermont Auvergne.

Les diplômés chinois revenant de France en Chine - Le cas de la province du Shandong, par Jun Li, thèse en histoire, sous la direction de Gilles Guiheux, l’Université de Paris, soutenance prévue le 14-12-2021

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