Les Chinois du Vietnam forment une partie à part entière de la diaspora chinoise en France. Certains sont devenus entrepreneurs et professionnels qualifiés après avoir surmonté des défis migratoires. L’histoire des Chinois du Vietnam a laissé une empreinte indélébile dans le Triangle de Choisy et au-delà.
La diaspora chinoise en France se caractérise par une diversité de profils, avec des migrants issus de différentes régions de la Chine. Parmi eux, un groupe se distingue par son histoire intimement liée à celle du Vietnam, les Chinois du Vietnam.
Une présence chinoise est attestée dans le nord du Vietnam dès le IIIe siècle avant J-C, soit en -206 (dynastie Han). Puis, d’autres migrants ont quitté leur terre natale, à savoir, la province du Guangdong située au sud-est de la Chine à la suite de la chute de la dynastie Qing en 1911 (cf. Ya-Han Chuang). Deux régions de cette province sont notamment représentées : la région de Chaoshan pour les Teochew et la ville de Guangzhou pour les Cantonais. Ces immigrants connus sous le nom de Hoa ou Vietnamiens d'ethnie chinoise Han, ont contribué à l’histoire de la capitale du Vietnam, anciennement nommée Saigon. Ici, ils ont construit le quartier de Cholon dès 1778, connu aujourd’hui comme le quartier Chinois de la ville. (Cf. livre d'Arnaud Leveau)
L'histoire migratoire des Hoa connaît un tournant en 1975 avec la chute du régime sud-vietnamien. Des tensions émergent dans le pays et les Hoa, comme d'autres Vietnamiens, deviennent la cible de persécutions par les régimes communistes au Cambodge et au Vietnam. Ces persécutions, ainsi que la guerre entre le Cambodge des Khmers rouges pro-Chine et le Vietnam pro-URSS de 1978 à 1979 sont à l’origine d’une vague d'émigration massive. C'est dans ce contexte que l'exode des "boat people" a lieu. Ce terme désigne les réfugiés qui ont fui le Vietnam en bateau et en radeau après l'effondrement du régime sud-vietnamien. Avec peu de ressources et dans des conditions précaires, ces réfugiés ont entrepris des voyages périlleux, souvent sur des embarcations de fortune, dans l'espoir d'atteindre des pays plus sûrs tels que les États-Unis, l'Australie et la France. On estime que près de 800 000 Vietnamiens ont fui le pays par la mer entre 1975 et 1995. Selon Pierre Picquart (écrivain et spécialiste du monde des chinois), environ 80% des "boat people" installés en France seraient d'origine chinoise (propos rapportés par la journaliste Anne Denis).
En France, les premiers regroupements des Hoa ont lieu dans le Triangle de Choisy et la dalle des Olympiades dans le 13ème arrondissement de Paris, qui devient alors le quartier asiatique le plus étendu en superficie d’Europe. Dans les années 1980, leur présence s'étend à la ville nouvelle de Marne-La-Vallée, notamment à Lognes, Noisiel, Torcy, Bussy-Saint-Georges et Noisy-le-Grand en Seine-et-Marne. On observe également une installation dans les communes proches du Triangle de Choisy, comme Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine dans le département du Val-de-Marne (cf. article d’Elisabeth Brunel).
À leurs débuts en France, ces membres de la diaspora chinoise étaient principalement des commerçants, des restaurateurs et des ouvriers, notamment dans la confection de vêtements. Aujourd'hui, après plusieurs décennies de présence sur le territoire français, on les retrouve de plus en plus dans les métiers de cadres supérieurs ou de professions libérales, tels que les ingénieurs ou les médecins.
Il est difficile d’estimer le nombre exact de cette partie de la diaspora habitant en France, néanmoins, selon le site Joshuaproject.net, il est estimé qu’il y aurait environ 109 000 français d’origine sino-cantonaise au sein de la diaspora chinoise.
Sources
AMER, Ramses, The Study of the "Hoa" Ethnic Group in Vietnam: Trends, Issues and Challenges, Conférence intitulée “Vietnamese Studies and the Enhancement of International Cooperation”, s’étant déroulée à Hanoi du 14 au 17 juillet 1998.
BERAHA, Richard (Dir), La Chine à Paris, Robert Laffont, Paris, 2012.
BRUNEL Élisabeth, Les Chinois à Marne-la-Vallée, Revue européenne des Migrations internationales, Vol 8, N°3, 1992.
CHUANG, Ya-Han, Une minorité modèle ? Chinois de France et racisme anti-Asiatique, Paris, Éditions La Découverte, 2021.
CHARBONNIER, Jean, Les Chinois de la diaspora, Revue Études, Vol n°367, n°1-2, Juillet-août 1987, pp.15-25.
DENIS, Anne, La première Chinatown d’Europe prospère, Les Échos, 4 février 2000, mis à jour le 6 août 2019.
GRILLOT Caroline et Danielle TRAN, L’Asie du Sud-est dans le siècle chinois : Cambodge, Laos, Vietnam, Bangkok, Institut de recherche sur l’Asie du Sud-est contemporaine, 2014.
LUONG, Ny Quynh, A handbook on the background of ethnic Chinese from North Vietnam, California State University, 1988.
Project, J. (s. d.). Han Chinese, Cantonese in France. Consulté 25 février 2024
TANG, Cheuk Fung Leo, Cantonese Preservation and the Ethnic Identity of Contemporary Hoa People in Vietnam.
TROLLIET, Pierre, La diaspora chinoise, Paris, PUF, 1994.